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La Belgique adopte une loi historique contre l’exploitation sexuelle

Sa mise en œuvre devrait être centrée sur les droits humains, plutôt que sur les contrôles de police

Une ruelle avec des vitrines de cabines de travailleuses du sexe à Anvers, en Belgique, photographiée le 3 novembre 2020.  © 2020 Virginia Mayo/AP Photo

Une nouvelle loi traitant de l’exploitation sexuelle, y compris dans le cadre du travail, est entrée en vigueur en Belgique le 1er décembre. L’adoption de cette loi est l’aboutissement de nombreuses années de plaidoyer en faveur des droits des travailleur-euse-s du sexe par des experts des associations UtsopiViolett et Espace P ; la nouvelle loi traite de certaines des pires formes de violence et de discrimination que subissent les personnes qui fournissent des services sexuels en échange d’argent.

Tout d’abord, la loi fournit un accès à la sécurité sociale aux personnes qui signent des contrats d’emploi. La Belgique a décriminalisé le travail sexuel en 2022, conformément aux recommandations politiques de plusieurs organes des Nations Unies. Les recherches démontrent de manière constante que la criminalisation du travail sexuel accroît les risques pour les travailleur-euse-s du sexe d’être victimes de meurtre et d’abus policiers, et a un impact négatif sur leur capacité de trouver un logement, tout en n’ayant pas d’effet probant en matière d’élimination des trafics.

La décriminalisation est une solution politique fondée sur des données concrètes qui atténue l’incidence d’un large éventail d’abus, mais elle ne garantit pas à elle seule un accès de ces personnes à la sécurité sociale, qui est également un droit humain. Une Recommandation de 2015 de l’Organisation internationale du travail (OIT) appelait les États à étendre « la sécurité sociale, les protections liées à la maternité [et] des conditions de travail décentes » aux travailleurs dans l’économie informelle. La nouvelle loi belge autorise ces personnes à signer des contrats de travail avec des établissements agréés, ce qui, selon le système de sécurité sociale en vigueur en Belgique, leur donnera accès à l’assurance santé, à des aides en cas de chômage, à des congés payés, à des congés parentaux et à des pensions de retraite. Malheureusement cependant, la loi n’étend pas ces prestations sociales aux travailleur-euse-s établi-e-s à leur compte.

Deuxièmement, la loi consacre des droits spécifiques pour les travailleur-euse-s sous contrat et impose des normes strictes aux employeurs. Les travailleur-euse-s peuvent refuser des clients, cesser leurs services à tout moment et imposer des conditions sur la manière d’effectuer leurs services. Les employeurs doivent se soumettre à des vérifications d’antécédents et fournir un environnement de travail propre. 

Je me suis entretenue avec des travailleur-euse-s du sexe et des victimes d’exploitation sexuelle – des catégories de personnes qui s’entrecoupent mais ne sont pas synonymes – dans des dizaines de pays. La plupart des cas d’exploitation sexuelle que j’ai documentés concernent des personnes qui avaient consenti à vendre des prestations sexuelles, mais pas à endurer les abus subis en travaillant dans des conditions non réglementées. Concrètement, l’exploitation sexuelle peut prendre la forme de rétentions de salaires, de déplacements forcés, de punitions pour avoir observé des pauses, de conditions insalubres et d’un manque de contrôle sur le nombre de clients. La loi belge traite ces abus directement, ce qui reflète le fait que des travailleur-euse-s du sexe ont été consulté-e-s à ce sujet.

Pour que la loi soit pleinement efficace, les autorités belges devraient s’assurer que les personnes qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas signer de contrats de travail – comme celles qui sont sans papiers ou qui exercent dans la rue – ne subissent pas un surcroît de contrôles ou d’actes de harcèlement de la part de la police. Le gouvernement devrait porter davantage son attention sur la défense et la protection des droits et garanties des personnes qui possèdent un contrat de travail, plutôt que sur la pénalisation ou la punition de celles qui n’en ont pas.

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