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Soudan : Les belligérants responsables d’abus ont acquis de nouvelles armes

L’ONU devrait renouveler l'embargo sur les transferts d’armes au Darfour, et l’étendre à l’ensemble du pays

Deux membres des Forces armées soudanaises (SAF) tenaient un drone d’attaque tiré par les Forces de soutien rapide (RSF) contre un bâtiment gouvernemental à Gedaref, au Soudan, le 11 juillet 2024 ; le drone aurait dû exploser lors de l’impact, mais le système de détonation de la charge explosive a échoué.  © 2024 Telegram

(New York, 9 septembre 2024) – Les parties belligérantes qui sont responsables de nombreux crimes de guerre et d’autres atrocités commises lors de l’actuel conflit au Soudan – les Forces armées soudanaises (Sudanese Armed Forces, SAF) et les Forces de soutien rapide (Rapid Support Forces, RSF) – ont récemment acquis des armes et du matériel militaire modernes de fabrication étrangère, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait renouveler l’embargo sur les transferts d’armes à la région du Darfour et les restrictions connexes, étendre cet embargo à l’ensemble du Soudan et sanctionner les individus ou entités responsables de violations de l’embargo.

« Le conflit au Soudan est l’une des pires crises humanitaires et des droits humains au monde, les parties belligérantes commettant des atrocités en toute impunité ; les armes et le matériel nouvellement acquis sont probablement utilisés pour commettre de nouveaux crimes », a déclaré Jean-Baptiste Gallopin, chercheur senior auprès de la division Crises, conflits et armes à Human Rights Watch. « Depuis la mi-2023, des combattants des SAF et des RSF ont publié des photos et des vidéos montrant des nouveaux équipements de fabrication étrangère, tels que des drones armés et des missiles guidés antichars. »

9 septembre 2024

Sudanese Warring Parties’ Access To New Foreign-Made Weapons and Equipment

 Sudanese armed forces with an unexploded, one-way attack drone from the Rapid Support Forces recovered from an attack on a government building in Gedaref, Sudan, July 11, 2024.

Human Rights Watch a analysé 49 photos et vidéos, la plupart apparemment filmées par des combattants des deux camps et publiées sur les plateformes de médias sociaux Facebook, Telegram, TikTok et X (ex-Twitter), montrant des armes utilisées ou capturées lors du conflit. Parmi les équipements apparemment nouveaux identifiés par Human Rights Watch figurent des drones armés, des brouilleurs de drones, des missiles guidés antichars, des lance-roquettes multi-tubes montés sur des camions, ainsi que des munitions de mortier ; ces armes ont été fabriquées par des entreprises enregistrées en Chine, en Iran, en Russie, en Serbie et aux Émirats arabes unis. Human Rights Watch n’a pas été en mesure d’établir comment les parties belligérantes ont acquis ces nouveaux équipements.

Les nouvelles preuves visuelles concernant des équipements que les belligérants soudanais ne possédaient manifestement pas auparavant, et les preuves de leur utilisation, suggèrent que les parties belligérantes ont acquis certaines armes et des équipements après le début en avril 2023 de l’actuel conflit. Dans un cas, les numéros de série visibles sur des munitions indiquent que celles-ci ont été fabriquées en 2023.

Depuis le début du conflit entre les forces SAF et les forces RSF au Soudan en avril 2023, d’innombrables civils ont été tués, des millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays et des millions d’habitants sont confrontées à la famine. Les SAF ainsi que les RSF pourraient utiliser ces armes et équipements pour continuer à commettre des crimes de guerre et d’autres violations graves des droits humains, non seulement au Darfour, mais dans tout le pays.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a prévu de se réunir le 11 septembre, pour décider s’il convient de reconduire ou non le régime de sanctions contre le Soudan, qui interdit le transfert d’équipements militaires vers la région du Darfour. Le régime de sanctions a été établi en 2004, lorsque le Darfour était l’épicentre d’un conflit marqué par des violations généralisées des droits humains, des crimes de guerre et un nettoyage ethnique. Depuis avril 2023, le nouveau conflit touche la plupart des États soudanais, mais les membres du Conseil de sécurité n’ont pas encore pris de mesures pour étendre l’embargo sur les armes à l’ensemble du pays.

Ces constatations démontrent à la fois l’insuffisance de l’embargo actuel qui ne s’applique qu’au Darfour, et les graves risques posés par l’acquisition de nouvelles armes par les parties belligérantes. Un embargo sur les armes à l’échelle du pays contribuerait à résoudre ces problèmes en facilitant la surveillance des transferts vers le Darfour, et en empêchant l’acquisition légale d’armes destinées à être utilisées dans d’autres régions du Soudan.

Le gouvernement soudanais s’est opposé à un élargissement de l’embargo sur les armes, et a fait pression ces derniers mois sur les membres du Conseil de sécurité pour qu’ils mettent fin au régime de sanctions, et suppriment complètement l’embargo sur les transferts d’armes au Darfour.

La prévalence des atrocités commises par les parties belligérantes crée toutefois un risque concret que les armes ou les équipements acquis par les parties soient probablement utilisés pour perpétrer de graves violations des droits humains et du droit humanitaire, portant préjudice aux civils.

Images d’une vidéo filmée par un drone et publiée sur un compte soutenant les Forces armées soudanaises (SAF) le 19 mars 2024, montrant le largage d’une munition sur des personnes en tenue civile dans la cour d’une meunerie à Bahri. Ces personnes chargeaient un camion avec des sacs de céréales ou de farine. Un homme gît immobile sur le sol, blessé ou tué. Aucune arme ni équipement militaire n’est visible à proximité de la zone ciblée. © 2024 Compte X

Deux vidéos vérifiées, filmées par des drones et publiées sur des comptes de médias sociaux pro-SAF, montrent ces drones attaquant des personnes non armées en tenue civile à Bahri (Khartoum-Nord), ville jumelle de Khartoum. Une vidéo, publiée sur X par un compte pro-SAF le 14 janvier 2024, montre un drone larguant deux projectiles de mortier sur des personnes apparemment non armées en tenue civile alors qu’elles traversaient une rue à Bahri, tuant une personne sur le coup et montrant quatre autres personnes immobiles après les explosions.

L’autre vidéo, publiée sur un compte pro-SAF le 19 mars 2024, montre un drone larguant une munition sur des personnes en tenue civile qui chargeaient un camion avec des sacs contenant apparemment des céréales ou de la farine dans la cour de la meunerie Seen à Bahri ; cette attaque a blessé ou tué un homme, qui dans la vidéo gît immobile sur le sol. Aucune arme ni aucun équipement militaire n’est visible à proximité des zones ciblées dans les deux vidéos.

Le non-renouvellement de l’actuel embargo sur les ventes d’armes entraînerait aussi la cessation du travail du Groupe d’experts sur le Soudan. Ce groupe est l’une des rares entités à fournir encore au Conseil de sécurité des rapports réguliers et approfondis sur le conflit au Soudan depuis décembre 2023, quand le gouvernement soudanais, auquel les SAF sont affiliées, a exigé et obtenu la cessation des activités de la Mission intégrée d’assistance à la transition des Nations Unies au Soudan (MINUATS).

Ces dernières semaines, les discussions au Conseil de sécurité concernant l’embargo se sont orientées vers un renouvellement de l’embargo des transferts d’armes au Darfour et du régime de sanctions associé, ce qui signifierait une poursuite du statu quo.

Le régime de sanctions contre le Soudan a été confronté à des difficultés depuis sa mise en place. Le Groupe d’experts de l’ONU et Amnesty International ont documenté que les gouvernements de Bélarus, de Chine et de Russie ont violé l’embargo pendant des années, mais un seul individu a été sanctionné pour l’avoir violé. Dans un rapport publié en juillet, Amnesty International a constaté que « des armes et des munitions récemment fabriquées [dans des] pays tels que la Chine, les Émirats arabes unis, la Russie, la Serbie, la Turquie et le Yémen étaient importées en grande quantité au Soudan, puis, dans certains cas, détournées vers le Darfour ».

Au minimum, le Conseil de sécurité devrait procéder au renouvellement prévu et maintenir le régime de sanctions actuel contre le Soudan, qui, malgré ses limites, fournit au Conseil de sécurité et aux pays membres de l’ONU des rapports cruciaux, ainsi que des outils pour l’imposition de sanctions. Le Conseil devrait également prendre des mesures plus fortes face aux violations de l’embargo déjà en place, notamment en sanctionnant les individus et les entités responsables.

« Le Conseil de sécurité devrait étendre l’embargo sur les transferts armes au Darfour à l’ensemble du Soudan, pour freiner le flux d’armes qui pourraient être utilisées pour commettre des crimes de guerre », a conclu Jean-Baptiste Gallopin. « Le Conseil de sécurité devrait condamner publiquement les gouvernements qui violent l’actuel embargo sur les transferts d’armes au Darfour, et prendre d’urgence les mesures nécessaires pour sanctionner les individus et les entités qui violent cet embargo. »

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